Résistance 7ème Art, webzine sur le cinéma indépendant
Le cinéma indépendant :
L'année 2001 aura été l'année de tous les records pour le cinéma français avec plus de 8 millions d'entrées pour un seul film celui d '" Amélie Poulain ", mais record également pour une dizaine d'autres films français qui ont dépassé la barre exceptionnelle du million de spectateurs.

Cela nous réjouit, comme nous réjouit également l'annonce de 204 films français produits en 2001 (dont 171 d'initiative française) mais un tiers de ceux ci ont été réalisés avec moins de 10 Millions de francs (1,5 million Euros) et 70 % d'entre eux malheureusement feront moins de 10.000 entrées.

Ces résultats encourageants pour le cinéma français ont permis de faire reculer de façon significative le cinéma qui domine dans le Monde entier, le cinéma américain, mais qui reste cependant majoritaire en nombre de spectateurs dans notre pays.

Mais ces résultats importants qui devraient, d'une part, réjouir sans partage tous les professionnels du cinéma ne permettent pas d'ignorer, d'autre part, les graves menaces que la concentration financière et industrielle en France et dans le Monde fait peser sur l'avenir du cinéma français. Et ces menaces ont pris une actualité encore plus grande depuis les déclarations fracassantes de Jean Marie Messier, patron de Vivendi Universal, proclamant la " mort de l'exception culturelle française " et affirmant " les angoisses franco-françaises sont archaïques. ".

En fait, quand plusieurs films sortent avec plus de 800 copies (Harry POTTER) et peuvent mobiliser dans un même multiplex jusqu'à 4 écrans, la partie n'est pas égale avec le film d'auteur, le premier film du réalisateur français ou étranger, l'œuvre de création originale qui a besoin de plusieurs semaines pour trouver son public, et ne peut espérer trouver, dans le meilleur des cas, qu'une seule salle à Paris, et ne fera qu'une apparition fugace sur les écrans, ne remboursant ni les frais de sortie du distributeur ni les frais de la salle et décevant ses plus chaleureux supporters. La qualité du film, les efforts pour sa sortie, les risques financiers engagés par les uns et les autres ne sont pas en cause. C'est la loi du marché, la logique financière pure, qui sont aveugles et implacables.
Jérome SEYDOUX, Président de PATHE, le reconnaît lui-même, à l'occasion de la sortie de " Astérix et Obélix : mission Cléopatre " avec plus de 900 copies : " C'est un chiffre qui me dérange un peu, dit-il lui-même, parce ces sorties massives nuisent au choix du spectateur. Mais nous ne faisons que céder à une tendance générale qui n'est, à mon avis, dans l'intérêt de personne. Nous assistons à un double mouvement : l'augmentation du nombre de films et l'augmentation du nombre de copies par film. Il est clair qu'à un moment, ça bloque. " ( Le Film Français N°2920 du 25.01.02.)

Cette inflation du nombre de copies et des frais de sortie ont des effets très négatifs sur la vie des films devenue de plus en plus courte. Bientôt l'achat des droits et les frais de sortie vont égaler ou même dépasser le coût du film lui-même. " L'exception culturelle " en matière de cinéma devrait servir à corriger la folie actuelle du marché qui s'emballe et qui dans tous les secteurs de la production, comme de la distribution et de l'exploitation est en train de détruire ce qui avait été construit lentement mais sûrement au fil des années depuis 1944 grâce à un système original de régulation du marché du cinéma dont chacun s'enorgueillissait encore il y a peu de temps mais qui semble, subitement devenu impuissant devant l'émergence d'une concentration industrielle sans limites et " sans rivages ".
La loi de l'argent devient omniprésente partout et dicte sa loi.
En ce moment décisif, il semble que la volonté politique fasse défaut pour résister à cette dérive.
L'exception culturelle en matière de cinéma est à reconstruire avec audace afin qu'elle soutienne la création, les secteurs indépendants du cinéma indispensables à tous les créateurs du secteur, afin que les procédures de soutien leur soient directement et prioritairement destinés, alors qu'elles profitent plus aux plus puissants.
Cette notion d'indépendance est incontournable et doit être réaffirmée avec plus de force par des mesures réglementaires claires et courageuses.

En fait, comme chacun sait le cinéma français se finance en partie par une épargne obligatoire payée par le spectateur sur son billet, la TSA (13%) et par des contributions obligatoires des Télévisions.
Les sommes recueillies reviennent à la profession pour financer les films sous les formes les plus diverses : avances sur recettes et subventions directes ou indirectes à la profession, producteurs, distributeurs, exploitants selon des règles codifiées, mais parfois complexes et aux effets pervers.
Le paradoxe de notre système de soutien du cinéma, c' est qu'il accompagne le succès et l'amplifie par le jeu du " soutien automatique ". Quand un film français reçoit au titre " du soutien automatique " environ 6 F par entrée pour le producteur et presque autant pour le distributeur, l'on peut imaginer l'importance que représente ces sommes pour les films français " millionnaires ". La conséquence immédiate et mécanique de la bonne santé du " cinéma français ", d'un tout petit nombre de films une dizaine seulement sur les 200 produits c'est qu'elle entraîne pour 2002 une dégradation des aides sélectives du CNC pour tous autres films qui en ont besoin impérativement pour vivre et survivre.

Ainsi, le CNC a déjà été obligé de réduire d'environ 20 % ce " soutien automatique " producteur aux films pour que le soutien sélectif ne fasse pas l'objet d'une baisse trop importante. Mais des " économies " vont être imposées aux uns et aux autres.

Dans un contexte de concentration extrême du secteur, en attendant des lois qui devraient régir ces concentrations, il est nécessaire et indispensable de compenser les effets négatifs de celle ci, par un renforcement significatif du soutien sélectif afin d'atténuer les disparités et les inégalités produites qui se manifestent à tous les niveaux de la production, de la distribution comme de l'exploitation.

Face au libre-échangisme et à la mondialisation libérale, la défense de la notion d'indépendance pour le cinéma par les professionnels français et européens doit monter en puissance, afin de contenir les logiques financières de nos multinationales qui nous vouent à la disparition et de lutter contre les évolutions préoccupantes de la mondialisation libérale pour le cinéma français et européen qui s'illustrent déjà et de la pire façon aujourd'hui en Grande Bretagne et en Italie.

Aujourd'hui, face à la montée des dangers, il est un débat qui s'impose avec tous les professionnels et le public c'est de donner du contenu à " l'exception culturelle " aux niveaux français, mais également européen et comme mondial face aux vertus que certains voudraient parer la diversité culturelle qui reviendrait à louer les vertus des " folklores locaux ou des langues régionales. "

La culture, le cinéma et l'audiovisuel, en l'occurrence, ne sont pas des marchandises, c'est pourquoi il ne peut être laissé au marché national ou international le soin de le réguler et de lui permettre de jouer aux défenseurs de la culture ou même de " leurs " diversités, seules des systèmes nationaux et européens peuvent définir et mettre en œuvre des politiques cohérentes favorisant d'abord, et en toute liberté pour les créateurs, l'émergence d'œuvres de création nationales ou internationales qui viendront enrichir les patrimoines de nos civilisations.

Le débat à engager largement, profondément, doit faire preuve d'audace, d'imagination et d'esprit prospectif afin de pouvoir y intéresser le plus grand nombre, le citoyen, les professionnels toutes catégories du cinéma et de l'audiovisuel, le public de cinéma comme le téléspectateur, du créateur à l'enseignant, des techniciens du cinéma et des comédiens aux industries techniques, du chercheur à l'écrivain, de l'ouvrier au cadre etc..

L'exception culturelle doit s'approfondir, s'enrichir, se valoriser, devenir un combat du plus grand nombre qui s'imposera aux politiques et aux chevaliers de l'industrie.

Il s'agit d'une bataille exaltante car il s'agit d'un enjeu de civilisation : qui accepterait de troquer " son âme " sur l'autel du dogme de la " rentabilité financière " des fonds de pension et de l'argent roi, fût il celui de l'EURO ou du DOLLAR US.

Il y a aujourd'hui un défi à relever qui est à notre portée à condition d'en avoir conscience et d'engager ce combat pour la culture sans perdre encore trop de temps.
Dans le passé, le cinéma a su être à l'avant garde des plus nobles causes, il n'y a pas de raisons, en ces circonstances exceptionnelles et particulièrement graves, qu'il renonce à défendre sa propre existence.

Jacques ATLAN
Distributeur/Producteur


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