Cela fait chaud au coeur de penser qu'il est un pays d'Europe
où l'on fait encore beaucoup de films cousus main. Des
films à penser, à ressentir, comme ceux de Manoel
de Oliveira, Paulo Rocha, Abi Feijo, João César
Monteiro, João Botelho, Pedro Costa, ou auparavant António
Reis, et bien d'autres dont l'oeuvre est parfois moins connue
mais non moins essentielle pour que le monde des idées
et des émotions continue de tourner.
Aujourd'hui, au Portugal, le dispositif qui permettait à
ces films d'exister est menacé de disparaître au
profit d'une vue \"purement\" mercantile du cinéma.
Nous tenons à faire savoir notre tristesse et notre révolte
devant de telles perspectives
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Depuis des mois, une nouvelle loi du cinéma
est en cours de rédaction au Portugal sans qu'il soit
possible d'en connaître la teneur autrement que par des
rumeurs, des idées générales dans les déclarations
des responsables politiques et d'en soupçonner l'orientation
par le contexte qui affecte actuellement tout le domaine culturel
au Portugal.
Savoir quelque chose sur le nouveau
"dispositif" est l'un des problèmes actuels et
le "secret" qui entoure son élaboration et son
contenu l'un des motifs majeurs de préoccupation.
Il avait pourtant été
annoncé que le projet de loi serait accessible à
tous afin que les professionnels puissent faire part de leurs
remarques et suggestions sur le texte. A ce jour, aucun projet
de texte n'est accessible alors qu'il est question que la nouvelle
loi soit présentée au Parlement d'ici deux mois
!
Les rumeurs les plus "étranges"
et inquiétantes circulent. La plus persistante est la fin
des appuis financiers aux projets individuels et l'attribution
de "package", sous forme de contrats-programmes passé
avec les sociétés de production, la suppression
des appuis spécifiques aux premières et deuxièmes
oeuvres, l'objectif de diminuer le nombre de longs-métrages
produits afin de favoriser des productions au budget plus lourd
susceptibles de concurrencer les films étrangers (?!)
La manière dont ont été
organisées les dernières attributions de subvention
prévues au calendrier de l'année 2002, laisse craindre
le pire. Le concours pour l'aide sélective à la
production de long-métrage où, par réglementation
officielle, devait être attribué une aide à
trois films, a été ouvert il y a quelques jours,
ne prévoyant l'attribution d'une aide que pour un seul
film.
Le concours prévu pour
les premières et deuxièmes oeuvres, lui aussi officiellement
annoncé en début d'année, lui aussi ayant
fait l'objet d'une dotation budgétaire, a été
purement et simplement supprimé. Avec cette situation aggravante
que le règlement du concours d'aide sélective à
la production de long-métrage mentionné plus haut,
interdit la présentation d'une première ou deuxième
oeuvre.
Quant au documentaire, si le concours
prévu a bien été ouvert mais le nombre de
projets appuyé amputé d'un tiers et personne ne
se fait la moindre idée des orientations de la nouvelle
loi à ce sujet. Alors qu'au Portugal, la
nécessité d'une aide au documentaire de création,
si longue à faire accepter, commençait peut-être
à porter ses fruits.
Il faut aussi savoir qu'en janvier
2003, toute perspective de production est stoppée puisque
aucun nouveau concours ou aides de quelque sorte qu'elle soit
ne seront annoncés avant le vote et la promulgation de
la nouvelle loi.
L'annonce de cette nouvelle loi
se fait simultanément avec une refonte complète
de la structure de la télévision publique. Après
avoir annoncé la suppression du second canal de la RTP
(par ailleurs quasiment le seul qui
diffuse le cinéma portugais, de longs comme de court-métrage
et de documentaire, en tout cas le cinéma comme celui de
Manoel de Oliveira, Paulo Rocha, João César Monteiro,
João Botelho, Pedro Costa, etc… mais aussi les
cinéastes étrangers de Kaurismaki à Godard
en passant par Kiarostami), le gouvernement parle maintenant de
le remettre à la "société civile"
(?!) sans que personne ne sache de quoi il s'agit.
Parallèlement une série
de "crises" a ébranlé violemment le cinéma
portugais durant l'année 2002. L'ICAM (Institut du Cinéma,
Audiovisuel et Multimédia) organisme qui gère notamment
les subventions qui permettent au cinéma portugais d'exister,
est entré dans une crise financière consécutive
au non-reversement par les chaînes de télévision
- privées comme publiques, de la taxe sur la publicité
qui finance l'ICAM et que les sociétés de
télévision sont chargées de collecter en
son nom. Le non-reversement - illégal - de cette taxe a
duré des mois amenant l'ICAM dans une situation d'incapacité
de remplir ses engagements contractuels tant vis-à-vis
des
producteurs que distributeurs ou des réalisateurs ayant
obtenus une aide à l'écriture. En un mot les appuis
financiers accordés par concours et jury, ayant fait l'objet
d'un contrat n'ont pu être versés.
Le texte de sensibilisation qui
circule actuellement a pour objet de permettre de s'associer à
l'inquiétude des cinéastes portugais, de leur apporter
un soutien, et de faire savoir, que, hors des frontières
du Portugal, il existe des êtres humains qui s'intéressent
et aiment le cinéma qui se produit au Portugal, "ce
cinéma avec lequel il faut en finir puisque les Portugais
ne veulent pas le voir" comme l'a dit un responsable politique.